Le traitement du cancer du rectum a connu une transformation importante marquée par une évolution vers des stratégies de préservation d'organes, pour améliorer la qualité de vie des patients. La thérapie néoadjuvante, c'est-à-dire l'ensemble des traitements administrés avant la chirurgie, constitue la pierre angulaire de cette approche. Son objectif principal est de réduire significativement les risques de récidive locale de la maladie et de prévenir l'apparition de métastases à distance. Au terme de cette phase thérapeutique, une évaluation rigoureuse et complète de la réponse de la tumeur est indispensable. Cette évaluation détermine la suite de la prise en charge, qui peut s'orienter vers une exérèse chirurgicale, une surveillance active (connue sous le nom de "watch-and-wait"), ou la mise en place de traitements complémentaires. Cette étape repose sur l'association d'un examen clinique (toucher rectal), d'une endoscopie, et surtout, d'une IRM réalisée selon un protocole spécifiquement dédié au cancer du rectum. Ce guide, élaboré par des experts de la société américaine de radiologie abdominale (SAR), a pour vocation d'uniformiser et d'optimiser l'interprétation des examens IRM réalisés après un traitement néoadjuvant. L'objectif est de garantir une communication claire et cohérente au sein de l'équipe médicale multidisciplinaire, condition essentielle pour des décisions thérapeutiques éclairées et une meilleure issue pour le patient.
Comprendre les stratégies thérapeutiques pour mieux interpréter l'imagerie
Une connaissance approfondie des différentes modalités de traitement néoadjuvant est fondamentale pour le radiologue afin d'interpréter correctement les images. Les options pour le cancer du rectum localement avancé se sont considérablement diversifiées.
La thérapie néoadjuvante totale (TNT), qui consiste à intégrer la chimiothérapie systémique à la radio-chimiothérapie conventionnelle, a démontré sa capacité à augmenter les taux de réponse complète et offre à un nombre croissant de patients la possibilité d'éviter une chirurgie mutilante.
Pour d'autres patients, notamment ceux qui ne sont pas de bons candidats à la radiothérapie, une chimiothérapie seule peut s'avérer suffisante pour permettre une chirurgie "curative" tout en évitant les effets secondaires de l'irradiation.
Par ailleurs, l'immunothérapie a montré des résultats spectaculaires pour les tumeurs présentant une instabilité microsatellitaire (dMMR/MSI-H), aboutissant à des réponses complètes durables sans qu'aucun autre traitement ne soit nécessaire.
Le moment choisi pour réaliser l'IRM d'évaluation est également un facteur déterminant de la fiabilité de l'interprétation. Ce délai dépend du type de traitement administré et peut s'étendre sur plusieurs mois, car la réponse tumorale complète peut être un processus lent et progressif.
L'importance de la technique d'IRM
La réalisation d'un examen IRM techniquement irréprochable est la condition sine qua non d'une évaluation fiable et reproductible de la réponse au traitement. Le protocole doit impérativement inclure des séquences en pondération T2 sans suppression de graisse, avec des images à haute résolution spatiale orientées précisément selon l'axe de la tumeur traitée. L'imagerie de diffusion est devenue essentielle, car elle est très sensible pour détecter le tissu tumoral viable résiduel. Pour améliorer la qualité des images et réduire les artéfacts liés aux gaz intestinaux, l'administration d'un micro-lavement avant l'examen est fortement recommandée. L'analyse des images doit systématiquement s'appuyer sur une comparaison rigoureuse avec les examens IRM antérieurs, en particulier l'IRM réalisée au moment du diagnostic initial. Cette comparaison est indispensable pour localiser avec certitude le site tumoral initial et pour apprécier objectivement les modifications induites par le traitement.
Évaluation de la réponse tumorale et des structures adjacentes
L'analyse de la réponse de la tumeur primitive se fonde principalement sur l'étude du signal en pondération T2. Après traitement, le site tumoral peut présenter une apparence très variée. Une fibrose complète, se traduisant par un signal très faible en pondération T2, est le signe d'une excellente réponse. À l'opposé, la persistance d'un signal intermédiaire, similaire à celui de la tumeur avant traitement, indique la persistance de tissu tumoral résiduel. L'imagerie de diffusion vient confirmer ces observations : le tissu tumoral viable se manifeste par une diffusion restreinte, visible sous la forme d'un hypersignal sur les séquences de diffusion à haute valeur de b. L'évaluation doit également porter sur d'autres éléments clés :
- La taille et la localisation : La mesure précise de la distance entre le bord inférieur de la tumeur traitée et le sphincter anal est un élément déterminant pour la planification chirurgicale et pour évaluer la possibilité d'une chirurgie conservant le sphincter.
- L'invasion veineuse extramurale et les dépôts tumoraux : La régression complète de ces atteintes, qui sont des facteurs de mauvais pronostic avant traitement, est un indicateur majeur de bonne réponse thérapeutique.
- Le fascia mésorectal : La distance entre la tumeur traitée (ou la cicatrice fibreuse) et cette fine membrane qui entoure le mésorectum est un facteur prédictif majeur du risque de récidive locale après chirurgie. Une distance inférieure ou égale à 1 millimètre est considérée comme un envahissement.
Le défi de l'évaluation des ganglions lymphatiques
L'interprétation de l'état des ganglions lymphatiques après traitement est particulièrement délicate. Pour les ganglions situés dans le mésorectum, un critère de taille a été établi : une taille inférieure à 5 millimètres en petit axe est généralement considérée comme un signe de réponse complète (N0), tandis qu'une taille égale ou supérieure à 5 millimètres reste suspecte de malignité résiduelle. Pour les ganglions situés en dehors du mésorectum, notamment les ganglions pelviens latéraux, qui peuvent être atteints dans les cancers du bas rectum, les critères de taille sont différents et encore plus stricts, et dépendent de leur taille initiale avant traitement. Compte tenu des limites de l'IRM pour affirmer avec certitude le caractère malin ou bénin d'un ganglion après traitement, une discussion multidisciplinaire est fréquemment nécessaire pour décider de la pertinence d'un curage ganglionnaire latéral, une procédure chirurgicale associée à une morbidité non négligeable.
Synthèse et conclusion de l'examen
Le compte-rendu radiologique final doit synthétiser de manière claire, structurée et non ambiguë l'ensemble des observations. L'impression diagnostique principale classe la réponse de la tumeur primitive en quatre catégories distinctes : réponse complète, réponse quasi complète, réponse incomplète ou absence de réponse. Cette classification, associée à l'évaluation du statut ganglionnaire, de l'atteinte éventuelle du sphincter et de la relation avec le fascia mésorectal, fournit à l'équipe clinique les informations essentielles pour guider la décision thérapeutique finale. Le concept de "réponse quasi complète" (near-complete response) est particulièrement important. Il identifie une catégorie de patients dont la réponse, bien que non encore complète au moment de l'imagerie, pourrait continuer à s'améliorer avec le temps. Pour ces patients, une période d'observation supplémentaire peut être proposée, leur ouvrant potentiellement la voie à une stratégie de préservation d'organes et leur évitant une chirurgie immédiate.
• Les séquences en pondération T2 et diffusion sont les séquences clés dans la réévaluation du cancer du rectum.
Sheedy SP, Arya S, et al. SAR Disease-focused Panel: Restaging Rectal Cancer MRI Synoptic Report—User Guide with Imaging Review. RadioGraphics 2025; 45(11):e250006.
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