Scanner des surrénales : la fin de l'ère du washout et du seuil à 10 Unités Hounsfield ?

Rédigé le 06/08/2025
Paul Ardilouze | RadioFocus

Depuis plus de deux décennies, l'évaluation des incidentalomes surrénaliens, lésions découvertes fortuitement sur un examen d'imagerie, repose sur deux principes fondamentaux : un seuil de densité à 10 Unités Hounsfield (UH) sur un scanner sans injection pour affirmer la bénignité, et la réalisation d'un protocole de "washout" pour les lésions plus denses. Une revue critique de la littérature scientifique remet en cause ces deux piliers. Les auteurs démontrent que ces pratiques, bien qu'ancrées, ne sont plus pertinentes et proposent une nouvelle approche diagnostique plus simple, plus sûre et plus efficiente, visant à réduire le surdiagnostic et les examens inutiles.

 


 


Redéfinir l'incidentalome surrénalien pour un diagnostic précis

 

Le point de départ de l'argumentaire est la définition même de l'incidentalome surrénalien. Les auteurs soulignent que les définitions varient considérablement dans la littérature, incluant parfois à tort des métastases chez des patients déjà suivis pour un cancer.

Ils proposent donc une définition stricte et optimisée : un incidentalome surrénalien est une lésion d'au moins 1 centimètre découverte de manière fortuite chez un patient sans antécédent de cancer extra-surrénalien et sans suspicion clinique de maladie surrénalienne. Cette clarification est fondamentale, car elle isole une population de patients chez qui la prévalence de la malignité est extrêmement faible. Les lésions aux caractéristiques d'imagerie manifestement bénignes, comme les myélolipomes ou les kystes, sont d'emblée exclues de cette démarche.

 

L'inefficacité prouvée du scanner de "washout"

 

L'article s'attaque ensuite au dogme du scanner de "washout". L'analyse met en évidence plusieurs failles majeures de cette technique :
 

  • Le piège des phéochromocytomes : De nombreuses études ont démontré que le "washout" est incapable de différencier de manière fiable un adénome d'un phéochromocytome. Près de la moitié des phéochromocytomes présentent des caractéristiques de lavage identiques à celles d'un adénome bénin, conduisant à des erreurs de diagnostic potentiellement graves.
     
  • Des études fondatrices biaisées : Les auteurs révèlent que les études initiales ayant validé le "washout" ont été menées sur des populations de patients artificiellement enrichies en lésions malignes pour atteindre une significativité statistique. Ces études ne reflètent donc pas la réalité clinique où les incidentalomes sont très majoritairement bénins.
     
  • Une technique jamais validée pour les vrais incidentalomes : Une étude de référence menée par Corwin et ses collaborateurs sur une population de "vrais" incidentalomes (selon la définition stricte) a démontré que le "washout" n'apportait aucune valeur diagnostique. Dans cette population à très faible risque, la prévalence de la malignité était si basse (0,3 % pour les lésions de moins de 4 centimètres) que le résultat du "washout" ne modifiait pas la probabilité qu'une lésion soit bénigne ou maligne.
     

Face à ces constats, les auteurs recommandent l'abandon pur et simple du scanner de "washout" dans l'évaluation des vrais incidentalomes surrénaliens.

 

Un nouveau seuil de bénignité : 20 Unités Hounsfield remplacent 10

 

Le second pilier traditionnel, le seuil de 10 Unités Hounsfield, est également remis en question. En s'appuyant sur une ré-analyse de six études majeures, les auteurs démontrent qu'un seuil de 20 Unités Hounsfield est tout aussi sûr pour exclure la malignité, tout en étant beaucoup plus spécifique.

L'analyse montre que pour les lésions homogènes de moins de 4 centimètres et mesurant moins de 20 Unités Hounsfield sur le scanner sans injection, la valeur prédictive positive de bénignité approche les 100 %. L'adoption de ce double critère (taille et densité) permettrait de classer comme bénignes un nombre bien plus important de lésions sans nécessiter d'examens complémentaires, réduisant ainsi l'anxiété des patients et les coûts pour le système de santé.

 

Recommandations pour une nouvelle pratique clinique

 

À la lumière de ces analyses, les auteurs proposent une nouvelle stratégie de prise en charge claire et pragmatique :
 

  • Corrélation hormonale systématique : Pour tout incidentalome surrénalien ne présentant pas de caractéristiques bénignes évidentes, une évaluation hormonale est indispensable pour dépister les lésions fonctionnelles (adénomes sécrétants, phéochromocytomes) et les rares carcinomes corticosurrénaliens, qui sont souvent actifs. Cette recommandation doit figurer dans le compte-rendu radiologique.
     
  • Catégorisation basée sur le scanner sans injection :
     
    • Catégorie 1 (Bénin) : Lésion homogène de ≤ 4 cm ET ≤ 20 UH. Aucune surveillance par imagerie n'est nécessaire.
       
    • Catégorie 2 (Très probablement bénin) : Lésion de 1 à 4 cm avec une densité > 20 UH, OU lésion de > 4 cm avec une densité de 10 à 20 UH. Un contrôle par scanner sans injection à 6-12 mois est suggéré pour confirmer la stabilité en taille.
       
    • Catégorie 3 (Risque plus élevé) : Lésion de > 4 cm ET > 20 UH. Ces cas justifient une discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire ou un avis chirurgical, même si la majorité de ces lésions resteront bénignes.
       

Cette nouvelle approche, fondée sur une définition rigoureuse de l'incidentalome et des critères de taille et de densité réévalués, promet de simplifier la prise en charge, d'éviter des examens irradiants et coûteux, et de concentrer les efforts sur les très rares cas nécessitant une investigation plus poussée.

 

L'ESSENTIEL
 Abandon du washout CT : Le scanner avec washout n’a plus de rôle dans l’évaluation des véritables incidentalomes surrénaliens (lésions découvertes fortuitement, sans antécédent de malignité extra-surrénalienne ni suspicion clinique) en raison de sa faible valeur ajoutée et de la très faible prévalence de malignité dans cette population.

 Nouveau seuil d’atténuation : Le seuil de bénignité sur le scanner sans injection passe de 10 à 20 UH pour les lésions < 4 cm, ce qui permet d’éliminer une lésion maligne, tout en réduisant les examens inutiles.

 Importance de l’évaluation hormonale : Un bilan hormonal systématique reste recommandé pour tous les incidentalomes non typiquement bénins afin d’exclure une tumeur fonctionnelle, notamment les phéochromocytomes et corticosurrénalomes.

 

Seow JH, Stella DL, et al. Washed up: the end of an era for adrenal incidentaloma CT. Insights Imaging 2025;16:136.

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