Le retour d’expérience du dépistage du cancer du poumon en Angleterre

Rédigé le 23/06/2025
@ RadioFocus

L’étude SUMMIT, publiée par The Lancet Oncology en mai 2025, s’impose comme une référence pour la mise en œuvre du dépistage du cancer pulmonaire par scanner à faible dose dans des populations à haut risque. Menée dans le nord-est et le centre de Londres, cette vaste cohorte prospective et longitudinale a ciblé plus de 12 700 participants âgés de 55 à 77 ans, anciens ou actuels fumeurs (30 PA).

 


 


L’objectif principal était double : évaluer la faisabilité et la performance d’un programme de dépistage à large échelle en conditions réelles, et valider un test sanguin de détection précoce multicancer. Les résultats du dépistage montrent une prévalence du cancer pulmonaire de 2,1 % au sein de la population dépistée, avec près de 80 % des cancers détectés à un stade précoce (stade I ou II). Cette précocité du diagnostic a permis un accès majoritaire à des traitements à visée curative, en particulier la chirurgie, qui a concerné 77 % des cas dépistés. Fait notable, le taux de résection de lésions bénignes demeure maîtrisé, autour de 11 %, et la mortalité postopératoire à 90 jours est exceptionnellement basse, démontrant la sécurité du protocole.

Le protocole de gestion des nodules était dérivé des recommandations de la Société Thoracique Britannique mais adapté aux exigences du dépistage de masse. Au dépistage, les nodules solides avec un volume de 300 mm³ ou plus (ou ≥8 mm de diamètre lorsqu'une segmentation fiable ne pouvait pas être réalisée) et un score de Brock de 10% ou plus ont été référés à une équipe multidisciplinaire du cancer du poumon pour une investigation définitive. Les nodules solides de 80 mm³ à 300 mm³ (ou ≥300 mm³ avec un score de Brock <10%), les condensations, et tous les nodules partiellement solides et endobronchiques ont été considérés comme indéterminés et ont fait l'objet d’un scanner de suivi à 3 mois d'intervalle.Tous les nodules en verre dépoli pur ont fait l'objet d'une surveillance à 1 an.

Ce protocole a permis d’obtenir une sensibilité de 97 % et une spécificité de 95 % après douze mois, avec un taux de faux positifs limité à moins de 5 %.

La stratégie de double lecture et d’intégration du logiciel d’aide à la détection a optimisé la gestion des cas douteux et réduit le recours aux actes invasifs inutiles.

Le recrutement a démontré la faisabilité d’atteindre une population diversifiée, tant sur le plan socio-économique qu’ethnique, ce qui confère à l’étude une portée représentative et transposable à l’échelle nationale. L’analyse met en lumière la nécessité de stratégies d’invitation ciblées et de l’accessibilité des centres de dépistage pour optimiser la participation, notamment dans les couches les plus exposées au risque.

 

Quelques chiffres de l’étude :

 

  • Un diagnostic de cancer du poumon a été posé chez 261 participants (2,1 %). Cela inclut 163 cas (1,3 %) détectés directement suite au scanner initial et 98 cas (0,8 %) détectés après un scanner de suivi à 3 ou 6 mois pour des nodules indéterminés.
  • 79,3 % des cancers du poumon détectés par le dépistage l'ont été à un stade I ou II.
  • La résection chirurgicale a constitué le traitement primaire pour 77,0 % des cas.
  • 90,4 % des patients avec un cancer détecté par dépistage ont reçu un traitement à visée curative.
  • La sensibilité du dépistage (incluant le scanner initial et les suivis pour nodules) pour la détection du cancer du poumon à 12 mois s'est élevée à 97,0 %, avec une spécificité de 95,2 %.
  • Le taux de faux positifs a été de 4,8 %.
  • Sur 241 résections chirurgicales, 28 (11,6 %) se sont avérées bénignes.
  • Un seul décès (0,4 %) est survenu dans les 90 jours post-opératoires.
  • Le nombre de personnes à dépister pour détecter un cancer du poumon était de 49.

 


 

La mise en place du dépistage en France (Impulsion)

 

En France, le programme IMPULSION (Implémentation du dépistage du cancer pulmonaire par Scanner en population) débutera en septembre 2025 pour une durée de 18 mois et recrutera 20 000 participants fumeurs ou anciens fumeurs (arrêt < 15 ans). Ces participants réaliseront un scanner thoracique à faible dose initialement, puis à un an et deux ans si les deux premiers examens sont négatifs.

Ce dépistage s'adresse aux radiologues formés au dépistage du cancer du poumon (formation SFR/FORCOMED) ainsi qu'aux bonnes pratiques cliniques en matière de recherche clinique. Leur participation consiste principalement à renseigner un compte rendu structuré sur une plateforme de dépistage national. Une solution d’intelligence artificielle (IA) unique pour tous les centres et financée par l'étude sera fournie.

Les référents régionaux assureront un maillage territorial adéquat pour limiter la distance à parcourir pour les participants potentiels. Selon les régions, 10 à 20 centres participants seront sélectionnés. Chaque centre devra réaliser au moins 100 scanners de dépistage par an.

Au-delà des 20 000 participants prévus, on estime à 3,8 millions le nombre de Français éligibles au dépistage, ce qui nécessitera une large mobilisation des radiologues, à l'image de leur engagement réussi dans le dépistage organisé du cancer du sein.

La nécessité d'une double lecture assistée par IA sera évaluée au début du programme. Le groupe de seconds lecteurs sera constitué par la Société d’Imagerie Thoracique. Une analyse des 2 500 premiers scanners déterminera si une deuxième lecture est superflue lorsque la première est assistée par IA.

D'ici la fin du programme IMPULSION, différentes solutions d'IA disponibles sur le marché seront évaluées afin de prévenir toute situation de monopole et d'établir une liste des solutions performantes. La question de la cotation des scanners lus avec IA sera discutée avec l’Assurance Maladie pour l'exercice futur, en dehors de cette étude.

 

L'ESSENTIEL
 L’étude SUMMIT nous apporte des chiffres importants sur l’utilité du dépistage du cancer du poumon

 En France, le dépistage débutera en septembre 2025, dans le cadre du programme IMPULSION

 

Bhamani A, Creamer A, et al. Low-dose CT for lung cancer screening in a high-risk population (SUMMIT): a prospective, longitudinal cohort study. Lancet Oncol 2025;26:609–19.

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