L’American College of Cardiology vient de publier, en collaboration avec plusieurs sociétés savantes internationales, un nouveau consensus d’experts dédié aux stratégies et critères pour le diagnostic et la prise en charge de la myocardite. Ce document, paru début 2025, propose une refonte des pratiques, intégrant les avancées récentes en imagerie, biologie et génétique, et s’adresse à tous les professionnels concernés par cette pathologie, dont les radiologues, acteurs clés du diagnostic.
Trois présentations classiques à retenir
Les experts insistent d’emblée sur la diversité clinique de la myocardite. Trois grands tableaux doivent alerter : la douleur thoracique (parfois mimant un infarctus), l’insuffisance cardiaque pouvant évoluer jusqu’au choc, et les troubles du rythme cardiaque (allant du simple malaise à la syncope). La survenue de tels symptômes, surtout chez un patient jeune, ayant des antécédents viraux ou des facteurs de risque spécifiques, doit systématiquement faire évoquer le diagnostic.
Le rôle fondamental de l’imagerie et de la biopsie
L’imagerie par résonance magnétique cardiaque s’impose désormais comme l’examen pivot. Sa capacité à caractériser l’inflammation myocardique, à l’aide des séquences de cartographie T1 et T2 et du rehaussement tardif au gadolinium, permet un diagnostic non invasif dans la majorité des cas. Les auteurs insistent sur la nécessité de centres spécialisés, capables d’appliquer les critères actualisés de Lake Louise et d’adapter les seuils de normalité localement, notamment selon le sexe du patient.
Néanmoins, la biopsie myocardique garde une place incontournable, notamment en cas de formes sévères, de dysfonction ventriculaire importante ou d’instabilité électrique. Elle permet de préciser l’étiologie, notamment à visée thérapeutique (formes auto-immunes, infectieuses ou infiltratives), grâce à l’analyse histologique, immunohistochimique et moléculaire des prélèvements.
Critères diagnostiques IRM
Les critères de Lake Louise (mis à jour en 2018) combinent l’identification d’au moins un critère basé sur le T2 (œdème) et un critère basé sur le T1 (nécrose/fibrose ou expansion de la cartographie du volume extra cellulaire). La présence de ces critères dans un contexte clinique compatible renforce fortement la probabilité diagnostique de myocardite.
La sensibilité de l’IRM pour le diagnostic de myocardite dépasse 85% dans les centres experts.
Elle permet de distinguer la myocardite des autres causes de douleur thoracique et d’élévation de troponine, notamment les syndromes coronariens aigus ou la cardiomyopathie de stress.
Elle a également une valeur pronostique : la présence d’un rehaussement tardif est un puissant facteur prédictif de mortalité, tout particulièrement lorsqu’il est localisé au niveau septal ou de manière extensive.
Une nouvelle classification en quatre stades
Innovation de ce consensus : la proposition d’une classification en quatre stades de la maladie. Le stade A correspond aux patients à risque ; le stade B aux formes infracliniques (inflammation sans symptôme) ; le stade C aux myocardites symptomatiques ; et le stade D aux formes avancées, instables. Cette gradation vise à mieux stratifier les patients et à personnaliser le suivi et la prise en charge.
Surveillance et suivi longitudinal
Le consensus recommande un suivi rigoureux, combinant biologie (taux de troponine, peptide natriurétique, protéine C-réactive) et imagerie répétée (échographie, résonance magnétique) pour évaluer la régression de l’inflammation et guider la reprise des activités physiques, notamment chez les sportifs. Un contrôle à 3 à 6 mois par résonance magnétique est préconisé avant toute reprise d’activité intense.
Ce nouveau consensus insiste sur le rôle central des radiologues, non seulement dans la détection et la caractérisation de la myocardite, mais aussi dans le suivi évolutif, la stratification du risque et l’évaluation de la récupération myocardique. L’expertise technique, la connaissance des critères actuels et l’intégration dans des équipes multidisciplinaires sont essentielles pour garantir une prise en charge optimale.
• Rôle pivot de l’IRM (critères de Lake Louise 2018) et/ou de la biopsie dans les formes graves.
• Nouvelle classification en quatre stades pour mieux stratifier les patients, organiser le suivi et la prise en charge.
Drazner MH, Bozkurt B, Cooper LT, Aggarwal NR, Basso C, Bhave NM, Caforio ALP, Ferreira VM, Heidecker B, Kontorovich AR, Martín P, Roth GA, Van Eyk JE; American College of Cardiology Solution Set Oversight Committee. 2024 ACC Expert Consensus Decision Pathway on Strategies and Criteria for the Diagnosis and Management of Myocarditis: a report of the American College of Cardiology Solution Set Oversight Committee. J Am Coll Cardiol. 2025;85(4):391-431.
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